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Pénurie de composants : le marché des véhicules professionnels au ralenti

  • 08/06/23
  • 4 min
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Pénurie de composants : le marché des véhicules professionnels au ralenti

La pénurie de composants qui sévit dans le monde depuis 2020 n’épargne pas le marché des véhicules industriels et commerciaux, qui contiennent de plus en plus d’équipements électroniques. Zoom sur ce phénomène inédit, qui force les acteurs du transport au rationnement… 

Système de navigation, ABS, ESP, caméra de recul, aides à la conduite… Camion ou fourgonnette, un véhicule professionnel récent embarque en moyenne une vingtaine de calculateurs. Aussi, quand les semiconducteurs viennent à manquer, l’ensemble du secteur des transports se trouve pénalisé, à commencer par les constructeurs, qui peinent à livrer les véhicules commandés par leurs clients. Les loueurs de longue durée comme Fraikin n’échappent pas aux effets de cet inédit trou d’air technologique. « En dix-huit mois, nos délais de livraison, qui courent de la signature d’un contrat avec un client jusqu’à la mise à disposition de son véhicule, ont plus que doublé », constate Mickaël Jeanne, le directeur de la Supply Chain de Fraikin. Quant aux clients, inutile d’espérer contourner cette disette électronique en jonglant entre les marques et les modèles. Même si l’onde de choc ne s’est pas propagée de façon uniforme, toutes les marques ont fini par être rattrapées, les unes après les autres, sans exception.

 

Pénurie de composants : un phénomène multi-factoriel

Cette crise a débuté avec l’épidémie de COVID et les confinements, qui ont entraîné une hausse des ventes d’ordinateurs, écrans et autres webcams nécessaires au télétravail, alors que les usines de semi-conducteurs étaient pour les mêmes raisons forcées de tourner au ralenti. Pendant la même période, la mésentente commerciale entre la Chine et les Etats-Unis a poussé le gouvernement américain à instaurer des restrictions envers Semiconductor Manufacturing International Corporation (SMIC), le plus grand fabricant de puces chinois, interdisant de facto aux firmes américaines de se fournir auprès de lui. A ce contexte défavorable, sont venus se greffer plusieurs événements imprévisibles qui individuellement, seraient presque passés inaperçus, mais qui, mis bout à bout, sont venus encore aggraver le phénomène : le contexte géopolitique mondial, notamment la guerre en Ukraine, qui affecte de nombreux fournisseurs et conducteurs, une tempête au Texas, qui abrite de nombreuses usines de semi-conducteurs ; une sécheresse historique à Taïwan, l’un des leaders mondiaux du secteur, dont les usines ont dû ralentir leur cadence, la production de puces consommant énormément d’eau ; ou encore un incendie dans une usine spécialisée au Japon, qui fournissait le secteur automobile…

 

Des répercussions sur le transport

L’économie mondiale ne s’est toujours pas complètement remise de cette série noire, a fortiori la location de véhicules professionnels. Non seulement les commandes auprès des constructeurs tardent à venir, mais les délais annoncés sont aussi moins fiables.  «  Les constructeurs pilotent de plus en plus leurs séquences de production au jour le jour, au gré de l’arrivée de tel ou tel composant. Résultat : ils n’hésitent pas à décaler leurs livraisons aux loueurs trois, quatre ou cinq fois de suite, perturbant nos propres plannings », relate Mickael Jeanne. Dans ces conditions, les loueurs sont obligés de se montrer prudents, et de prévenir leurs clients que les délais annoncés sont – hélas – indicatifs. Ce qui joue forcément sur la satisfaction de ces derniers, qui attendent souvent leurs véhicules avec impatience. Pour faire face à cette situation, il n’existe pas de remède miracle, en l’absence d’alternative technologique ou commerciale. Fraikin essaie juste de limiter les dégâts en jouant de sa taille et de son influence. « Nous sommes en permanence à l’affût des opportunités. Dès qu’une occasion se présente, nous essayons de récupérer des stocks de véhicules avant nos concurrents », assure Mickaël Jeanne. Les professionnels, eux, s’adaptent tant bien que mal, en retardant le renouvellement de leurs flottes, en allongeant autant que possible la durée de vie de leurs véhicules ou en se tournant vers l’occasion.

 

En bref

Le bout du tunnel est-il en vue ? Il est encore trop tôt pour le dire. Plusieurs projets d’usines de semiconducteurs ont vu le jour ces derniers mois, mais il faudra plusieurs années avant qu’elles ne deviennent opérationnelles, d’autant que la demande de composants continue de croître à un rythme élevé. Et les tensions géopolitiques actuelles laissent planer le doute sur un prochain retour à la normale. « Nous guettons les bonnes nouvelles, mais nous nous préparons à subir d’autres secousses avant le retour des beaux jours », confie Mickaël Jeanne.

 

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