Supply chain

Label Piek : silence, on livre !

  • 10/08/23
  • 5 min

Pour soulager le trafic dans les grandes agglomérations, l’une des solutions consiste à effectuer les livraisons de marchandise de nuit, à condition qu’elles soient suffisamment silencieuses pour ne pas déranger les riverains : c’est l'objectif du label Piek.

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Au cours de la dernière décennie, les transporteurs ont accompli d’importants efforts pour rendre les livraisons plus silencieuses et sereines en ville. Tous les véhicules équipés d’un groupe frigorifique, par exemple, sont désormais dotés en série d’une touche arborant un logo « tortue ». Lorsqu’elle est actionnée, celle-ci réduit automatiquement le niveau sonore du compresseur. Bien connue des chauffeurs, cette touche « tortue » ne répond à aucune obligation légale, mais s’est généralisée dans le monde logistique, en réponse à l’évolution de la sensibilité collective vis-à-vis du bruit. « Les professionnels du transport se sont auto-éduqués et auto-régulés dans ce domaine. Plus personne n’accepte d’être réveillé pendant son sommeil à cause du toc-toc d’un compresseur ou des manœuvres d’un transpalette », estime Sylvain Devienne, le responsable des marchés Alimentaire à température dirigée et Santé et Grande distribution de Fraikin.

 

Label Piek : pas plus 60 dB à 7m50

C’est dans cet esprit que le secteur du transport a adopté au cours de la même période un label qui distingue les camions les plus silencieux : le label Piek. Né à la fin du siècle dernier aux Pays-Bas, un pays très dense où la circulation diurne s’avère souvent difficile, ce label garantit qu’un véhicule en cours de livraison n’excède pas 60 dB à 7m50 de distance, s’ouvrant ainsi la voie à des livraisons nocturnes. A titre indicatif, « 60 db, cela correspond au niveau sonore d’une conversation courante entre deux individus », précise Sylvain Devienne. Pour obtenir ce label, un véhicule doit réduire drastiquement ses émissions sonores, et pas seulement celles de son groupe frigorifique. Techniquement, le label Piek couvre une cinquantaine de points, à l’origine des « pics » (d’où le nom) sonores les plus gênants : le groupe frigorifique ; la carrosserie, notamment le plancher à l’origine de bruits de roulement ; le hayon élévateur, qui met en jeu des pièces mécaniques ; ou encore les portes, dont le claquement peuvent réveiller les voisins en sursaut.

 

Répondre à l’évolution de la société

Au fil des années, beaucoup de transporteurs ou de logisticiens ont adopté ce label, en particulier ceux qui procèdent à des livraisons en ville. « C’est une façon de répondre à l’évolution citoyenne vis-à-vis du bruit, mais aussi d’anticiper l’arrivée d’éventuelles contraintes réglementaires, du même ordre que les seuils Crit’AIR pour les émissions polluantes. Le secteur des transports est de plus en plus encadré », rappelle Sylvain Devienne. Il ne faut pas oublier qu’en pratique, tous les maires de France ont le pouvoir de réduire les horaires de livraison à certaines heures pour protéger leurs riverains d’éventuelles nuisances. Dans le cadre de son expertise de loueur, Fraikin accompagne ses clients et prospects lorsqu’ils se posent des questions sur le sujet. Voilà une quinzaine d’années par exemple que ses équipes travaillent avec Martin Brower, le logisticien des restaurants Mac Donald, pour lui fournir des camions labellisés Piek. « L’impulsion initiale est venue de la plainte de riverains d’un restaurant Mac Donald, dans le Nord de Paris. Lorsqu’on a remplacé le camion par un modèle « Piek », les nuisances ont disparu, à tel point que les riverains pensaient que les horaires de livraison avaient changé, ce qui n’était pas le cas », se souvient Rémi Paing, consultant expert auprès de Fraikin.

 

Revêtements silencieux et charnières furtives

Si un client souhaite labelliser un ou plusieurs véhicules, le bureau d’études Fraikin propose des interventions sur les principales sources d’émissions sonores. « Nous posons un revêtement acoustique au sol, changeons les charnières du hayon et installons des groupes frigorifiques déjà labellisés Piek », explique Johann-Alexis Berger, chef de projet matériel au sein du bureau d’études Piek, qui estime « le surcoût total à moins de 15% par rapport à des équipements standards ». Les clients qui souhaitent aller plus loin peuvent adopter des rolls ou des transpalettes « Piek » et même adopter la certification Certibruit. Celle-ci intègre une formation des chauffeurs/livreurs, qui jouent un rôle primordial en matière de discrétion. « Si en arrivant sur un lieu de livraison, un chauffeur ne coupe pas le moteur du véhicule, laisse le volume de la radio à fond ou claque ses portières, tous les efforts accomplis en amont n’auront pas servi à grand-chose… », confie Johann-Alexis Berger.

En bref

Retour des livraisons nocturnes

L’intérêt du label Piek dépasse le confort sonore de riverains. A moyen-terme, la multiplication des véhicules silencieux pourrait rebattre les cartes de la logistique en ville et centre-ville, dans le contexte de la transition énergétique. Si un véhicule est suffisamment discret pour ne gêner personne, pourquoi ne pas ré-envisager un développement des livraisons nocturnes ?

Les véhicules pourraient rouler de nuit, en dehors des heures de pointe, avec un effet bénéfique sur la congestion du trafic, les émissions polluantes et la qualité de vie des chauffeurs. Sans parler du gain de productivité qui en découlerait. Dans ce mouvement vers un transport plus vertueux, l’étape suivante pourrait bien porter sur le développement des véhicules électriques équipés de groupes frigorifiques également électriques ou fonctionnant à l’azote liquide, donc ultra-silencieux. Un pas de plus vers des livraisons 100% furtives…

 

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